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Blog littéraire : A la découverte de mes écrits et mes coups de cœur ou de gueule.

LA MORT DE LA NATURE in Sorcières, la puissance invaincue des femmes

LA MORT DE LA NATURE in Sorcières, la puissance invaincue des femmes

Un livre dense qui livre matière à réflexion. J'ai choisi aujourd'hui le chapitre qui trace un parallèle entre la domination de la femme-sorcière et la domination de la Nature.

page 188 "...l'asservissement des femmes a aussi été parallèle à un autre(...) : celui de la nature. C'est en particulier la thèse développée en 1980 par la philosophe écoféministe Carolyn Merchant dans "La Mort de la nature" (...). Elle y retrace comment, à la Renaissance, l'intensification des activités humaines, qui exigeait d'énormes quantités de métal et de bois ainsi que de vastes superficies cultivables, et qui altérait la physionomie de la Terre à une échelle inédite, a impliqué un bouleversement identique dans les mentalités."

LA MORT DE LA NATURE in Sorcières, la puissance invaincue des femmes

         L'ancienne vision considérait le monde comme un organisme vivant, souvent associé à une figure maternelle et nourricière. Depuis l'Antiquité, une condamnation formulée par Pline l'Ancien, Ovide ou Sénèque pesait en particulier sur l'extraction minière, associée à un acte d'agression motivé par l'avarice (pour l'or) ou par la soif de meurtre (pour le fer).     

LA MORT DE LA NATURE in Sorcières, la puissance invaincue des femmes

Aux XVIe et XVIIe siècles, il s'y ajoute la lubricité, dénoncée par les poètes Edmund Spenser et John Milton, qui évoquent un viol de la Terre. L'imaginaire du temps perçoit "une corrélation directe entre l'activité minière et le fait de fouiller dans les coins et les recoins d'un corps de femme". La mine était vue comme le vagin de la Terre mère, et les cavités où gisaient les métaux enfouis dans son sein, comme son utérus. Les anciens schémas mentaux, devenus intenables, allaient peu à peu être remplacés par d'autres, qui, en dévitalisant le corps du monde, dissiperaient tous les scrupules et permettraient une exploitation sans frein.         

LA MORT DE LA NATURE in Sorcières, la puissance invaincue des femmes

De même, la frénésie commerciale nouvelle requérait des quantités fantastiques de bois pour construire des quais, des ponts, des écluses, des péniches, des navires, mais aussi pour produire du savon, des fûts de bière ou du verre. Il en résulta la première apparition d'un souci gestionnaire de cette nature considérée comme une "ressource" : en 1470, à Venise, une loi décide que c'est désormais l'Arsenal, et non les officiels de la ville, qui organisera la coupe des chênes. Merchant résume ainsi le panorama général qui émerge : "Au fur et à mesure que les villes européennes grandissaient et que les forêts reculaient, que les marais étaient drainés et des réseaux de canaux géométriques tracés dans le paysage, que d'immenses et puissantes roues hydrauliques, fourneaux, forges et grues se mirent à dominer l'environnement de travail, de plus en plus de gens commencèrent à faire l'expérience d'une nature altérée et manipulée par des machines. il en résulta une lente mais inexorable aliénation par rapport à la relation directe, immédiate et organique qui avait jusque là constitué les fondements de l'expérience humaine".

LA MORT DE LA NATURE in Sorcières, la puissance invaincue des femmes

La vision mécaniste qui s'impose alors postule que la connaissance du monde peut être "certaine et cohérente"; le désordre de la vie organique cède la place à la "stabilité des lois mathématiques et des identités". Le monde est désormais perçu comme mort, et la matière comme passive. Le modèle de la machine, et en particulier de l'horloge, s'impose partout. Descartes, dans le "Discours de la méthode", assimile les animaux à des automates. (...)

LA MORT DE LA NATURE in Sorcières, la puissance invaincue des femmes

         Il se produit à cette époque ce que Susan Bordo appelle un "drame de la parturition" : un arrachement à l'univers organique et maternel du Moyen Age pour se projeter dans un monde neuf où règnent "la clarté, le détachement et l'objectivité". L'être humain en émerge "comme une entité résolument séparée, ayant rompu tout lien de continuité avec l'univers dont il partageait autrefois l'âme". La philosophe américaine y voit une "fuite loin du féminin, loin de la mémoire de l'union avec le monde maternel et un rejet de toutes les valeurs qui y sont associées", remplacées par une obsession de la mise à distance, de la démarcation. Ce que Guy Betchel dit autrement : la "machine à fabriquer l'homme nouveau" était aussi une "machine à tuer les femmes anciennes". Apparaît alors un "modèle de connaissance hyper-masculinisé", un "style cognitif masculin", froid et impersonnel.

                         Mona Chollet  Sorcières, la puissance invaincue des femmes

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