3 Avril 2020
Premier décor du roman : La lame de Facibelle
Barles
Le soleil de septembre perça le brouillard, dégageant le paysage somptueux qui me cernait. Levée à l'aube comme chaque jour, je m'étais glissée à quelques pas de mon cabanon, pour guetter sans hâte la victoire du jour sur la nuit. Toute proche, la chapelle orthodoxe couronnée d'un bulbe rouge, perchée sur ses 1 243 m d'altitude, dominait un univers dédaigneux du temps des hommes. Sept ans pourtant, à l'aune de leur calendrier, que je vivais là, en recluse.
J'avais choisi ce séjour face au vertige que communique l'immensité d'une nature où vingt millions d'années auparavant la mer recouvrait tout l'horizon. Ensuite, au fil des temps, les sables s'étaient lentement transformés en grès que le jeu des compressions tectoniques et de l'érosion avait dissimulés puis fait se chevaucher en d'insolites reliefs.
Les amateurs de curiosités géologiques venaient de loin admirer le panorama du Vélodrome de Digne et scruter la lame de Facibelle qui dressait imperturbablement, ce matin encore devant mes yeux, son étroite arête comme un monumental pan de muraille abandonné par les guerriers géants d'un monde d'heroic fantasy. Mais je n'en avais cure de ces visiteurs. Il me suffisait de ne jamais croiser leurs pas.