Un loup pour l'homme (1ere partie)

Les temps évoluent. La forêt diminue. Les troupeaux ne se promènent plus sur de vastes espaces. Finies les transhumances ! Désormais à chacun son petit lopin, dans un pâturage sédentaire, avec un toit de paille ou d'ardoise, humble rempart contre le vent et la tempête, les pluies ou le soleil.

Elle est bien loin Blanchette, la petite chèvre de Monsieur Seguin, avec son désir fou de liberté. Aujourd'hui la gent caprine rêve de confort et de séries télévisées. Elle vend sa laine et son lait contre des produits miracles vantés par la pub qui, c'est promis, lui feront l'herbe plus verte et la vie plus facile et, surtout, sans surprises.

Les loups et les chiens, eux aussi, se sont recyclés : ils font des affaires ou de la politique. Le tout est de s'entendre pour continuer de tondre les bêlants afin de faire fructifier le capital.

Parfois pourtant il naît une brebis galeuse ou un mouton noir qui s'offusque de cet état des choses et se met en tête d'alerter le troupeau, de secouer son apathie et de le dresser contre des puissants tyranniques et cyniques. Mais on n'a encore jamais vu dans l'histoire chèvre ni mouton triompher de chien ou de loup.

Encore s'ils avaient dans leur manche un renard, ou deux ou trois petits cochons ! Des siècles d'atavisme ont beau jeu de clouer au pilori nos apprentis révolutionnaires et, une fois l'étincelle retombée, l'instinct grégaire renvoie tout ce petit monde dans son pré.

Et si, une fois, la machine si bien huilée se grippait ? Rêvons un peu...